In l972 I moved to Toronto from California and got a summer job at Bolton Camp. It was run by Family Services and the kids were from the poorest parts of the city. Although I had spent time in a California jail after protesting the Vietnam war, been bonked on the head by a French cop in Paris after the Russian invasion of Czechoslovakia, hitchhiked the West Coast many times, and studied Homer and Chaucer in university, none of my varied political and scholarly experiences had prepared me for my miniature lords of misrule. Luckily, I discovered, my semi-feral eight-year-old boys loved to listen to fairy tales – the longer the better.
One night, as we sat around the campfire, I had a revelation. The counsellor was spinning a yarn about Old Man Bolton. He was our local axe-murdering ghost who, after chopping everybody up, had escaped into the forest surrounding the camp. There, the counsellor quietly told us, Old Man Bolton was still limping around culling stray campers.
I was amazed to see that my boys had been transformed into the world’s greatest listeners. A window of time opened, and I understood that my lads hearing summer camp ghost stories were no different than the audience of Greek royalty who heard Homer chant the mighty epics. Even in 1973 the story fire was still burning, the art of storytelling was still alive, and humans – especially my grubby, ardent, hero-hungry boys – had not lost our passion for word-of-mouth stories.
I was hooked. The problem was, although I wanted to learn the storyteller’s mysterious art and even had my own captive audience, I was painfully shy, extremely forgetful and didn’t know any stories.
So I did what people have always done in case of emergency: I went to the library. On my days off, I would drive down to Boys and Girls House and come back to camp with a stack of stories, which I would read aloud at night.
One day that summer, the moment of truth arrived. I’d learned a folk tale in my head and tried telling it to my boys without the book. It began well enough. “Once upon a time there was a king and a queen, and the king went blind. He called his three sons and said, ‘Go find a cure for my blindness.’ ” The first two princes sallied forth, but the third, a lazy, good-for-nothing lad, went out into the garden to nap under his favourite apple tree.
I was just about to tell my boys how this third prince has a hero’s dream, when Frankie, my chief troublemaker, decided it was a good moment to let loose a great and cabin-shaking fart. Pandemonium ensued. I was so mad that, breaking every rule of camp counselling and child-tending protocols, I threw him out of the cabin. Then I continued the story as Frankie banged on the door and yelled that Old Man Bolton was going to chop him up.
Despite the commotion, the remaining boys heard how the third prince listened to his dream, rode forth on the quest-road, conquered evil, got help from his horse of power, married the fairy firebird, and cured his father’s blindness. It’s a hell of a story, and my boys – except Frankie – spent the next day retelling it to each other and trying to spot stray firebirds in the woods.
I didn’t know it then, but I know now: the listener is the hero of the story. Frankie was the third prince! He was the one who most needed to hear the tale. All the daydreamers, the kids who get sent to the office each day, the unregarded kids from the poorest parts of town – and, yes, even that brat who makes rude noises instead of listening politely – all may have the qualities of a hero, if only we can see it in them.
After that summer, I filled my head with folktales and set out on my storyteller’s quest. As for Frankie, I look for him in every audience. I still owe him a fairy tale.
En 1972 j’ai quitte la Californie pour venir m’installer a Toronto, où je finissais mes études, à Toronto. J’ai obtenu un poste d’été a Bolton Camp, une colonie de vacances en Ontario. Cette colonie était administrée par les Services familiaux (Family Services) et les campeurs venaient des quartiers les plus defavorisés de Toronto. J’arrivai riche d’expériences vécues variées: j’avais été emprisonné à Santa Barbara pour avoir manifesté contre la guerre au Vietnam, j’avais reçu un coup de matraque sur la tête de la part d’un agent de la CRS à Paris au moment de l’invasion de la Tchecoslovaquie par les Russes, j’avais lu Homère et Chaucer et ainsi de suite; toutefois, aucune de ces expériences ne m’avait préparé pour la rencontre avec mes “Seigneurs” en miniature de la pagaille. Par bonheur, je réussis a decouvrir que ces gamins de huit ans, a demi-sauvages, aimaient les contes de fée—plus les contes étaient longs, et mieux ils les aimaient.
Un soir, comme nous étions assis autour d’un feu de camp, je subis une révélation. Un des moniteurs de la colonie était en train de débiter une longue histoire sur le Vieux Bolton. Il s’agissait de notre fantôme local qui, selon l’histoire, tuait à coups de hache ses victimes. On disait qu’après avoir coupé en morceaux tout le monde, il s’était echappé dans la fôret qui entourait la colonie. “La”, nous dit doucement l’animateur,” le Vieux Bolton, tout en boitant, passe toujours son temps à abattre les campeurs égarés.”
A ma grande surprise, mes gamins s’étaient transformés d’un coup en les meilleurs auditeurs du monde. A ce moment-là, une fenêtre s’ouvrit dans le temps pour moi et je me rendis compte que ces enfants en train de subir le charme d’une histoire de fantôme racontée dans une colonie de vacances de notre époque, portaient une forte ressemblance a l’auditoire de la Royauté grecque ancienne, celle qui entendait avec délices les grandes epopées chantées par Homère. Même en 1972 le feu sacré du conte flambait encore, l’art du conte vivait toujours et les êtres humains—surtout mes gamins crasseux mais fervents et avides de héros—n’avaient pas perdu la passion des histoires racontées de vive voix.
J’étais mordu. Mais voilà le problème: malgré mon desir d’apprendre l’art mystérieux du conte et malgré que je detenais mon propre auditoire captif, j’étais fort timide et oublieux et de plus, je ne connaissais pas de contes!
Donc j’ai fait ce que les gens ont toujours fait au cas d’urgence: je suis allé a la bibliotheque. Les jours de congé je faisais le trajet jusqu’à la bibliotheque pour enfants torontoise nommée “Boys and Girls House.”
La, je consultais maints volumes d’histoires varies, puis je rentrais à notre colonie à Bolton muni d’une pile de contes. Au début je les lisais seul à haute voix chaque nuit. Un soir, enfin, cet été là, le moment de verité eclata. J’avais appris par coeur un conte de fée folklorique que je décidai de reciter a mes gamins. Le début du récit se passa plutôt bien: “Il y avait une fois un roi et une reine, et le roi perdit la vue. Il fit venir ses trois fils et leur dit, ‘Allez chercher un remède a ma cécite.’ Les deux premiers princes s’en allèrent aussitôt, mais le troisième, un bon a rien paresseux, se dirigea vers le jardin pour faire un somme à l’ombre de son pommier préferé.”
J’étais sur le point de dévoiler à mes mômes le rève héroique que faisait ce prince, quand Frankie, mon plus grand provocateur, celui qui semait la zizanie partout, choisit ce moment pour péter en faisant un bruit infernal qui secoua la cabane. Un vrai tohu-bohu suivit. J’étais si furieux que je le mis à la porte , rompant d’un coup tous les réglements et conseils prescrits aux moniteurs ainsi que ceux donnés sur la bonne garde des enfants. Ensuite je repris le fil de l’histoire, tandis que Frankie frappait à la porte en hurlant que le Vieux Bolton allait le dépécer.
Malgré l’agitation, les autres garcons réussirent à entendre les aventures du troisième prince: comment il avait suivi son rêve, comment il était parti à cheval sur le chemin de sa quête, comment, avec l’aide se son cheval puissant il avait conquis le Mal, comment il avait épousé le bel Oiseau de feu et enfin, comment il avait réussi à guérir la cécité de son père le roi. C’est une histoire formidable, et mes gamins – sauf Frankie – passérent le lendemain à se le redire les uns aux autres, tout en essayant d’apercevoir des oiseaux de feu errant dans les bois.
Je ne le savais pas encore à ce moment-là, mais je le sais à present: le vrai héros d’un conte est celui qui écoute. C’est Frankie qui était le troisième prince. Cétait lui qui avait le plus besoin d’entendre cette histoire, son histoire. Tous les rêveurs, ceux qui sont dans la lune, les gamins qu’on envoye chaque jour au bureau du directeur, les enfants peu valorises qui viennent des quartiers les plus pauvres de la ville – et oui, meme le gosse qui émet des bruits grossiers au lieu de se tenir bien poliment – tous pourraint posséder des qualités de héros, si seulement nous savions les déceler en eux.
Apres cet été-là, été fatidique, je travaillai à ramasser et apprendre un grand nombre de contes folkloriques, tout en inventant mon chemin de conteur. Quant à Frankie, je continue à le chercher dans tous les auditoires. Je lui dois toujours un conte.






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