« Comment nous traitons-nous mutuellement ? » Voilà la question que le directeur du leadership adressait un soir au personnel d’un des plus anciens camps de nuit de l’Amérique du Nord. À première vue, cela semblait une question vide de sens, étant donné l’étiquette de « fraternité » que le personnel s’était lui-même accolée depuis des décennies. Mais le silence qui retomba dans la salle suggérait plutôt qu’un véritable travail d’introspection avait commencé. Le directeur du leadership, Tom Giggi, restait lui aussi silencieux, incitant ainsi le groupe à une réflexion encore plus sérieuse. (L’un des points forts de Tom consiste à poser de bonnes questions ; il sait aussi attendre des réponses réfléchies, plutôt que de répondre lui-même pour le groupe.)
À l’époque où j’étais moi-même campeur, je vénérais mon chef de cabine. Dans cet environnement fortement axé sur le développement du leadership, c’était chose facile. Le prestige de devenir membre du personnel – en partie attribuable à un processus de sélection compétitif, sans parler de la grande gentillesse des moniteurs – a eu comme résultat que la plupart des campeurs du Belknap ont grandi en voulant devenir eux-mêmes chefs de cabine. Mais pour le moment, Tom nous demandait de gratter le vernis d’amabilité extérieure et d’examiner ce qu’il y avait de substantiel en dessous.
Il m’est alors revenu en mémoire qu’en 1984, l’année où j’étais aspirant-moniteur, une question semblable avait été soulevée par mon chef de division, Mark Goodman. C’était la première fois que je travaillais au camp pour toute la durée de la saison de neuf semaines, mais aussi la première fois où la bienveillance générale qui, apparemment, soutenait l’esprit de corps du personnel commençait à montrer ses failles.
« Pourquoi Saul est-il exclu du groupe ? » C’est la question que Mark m’avait posée, en parlant d’un autre aspi. Je me suis mis sur la défensive et j’ai répondu en énumérant la liste des petites manies de Saul. « Eh bien, ai-je commencé, il nous tombe parfois sur les nerfs. Je sais qu’il aime le camp, mais son enthousiasme à tout crin semble manquer de sincérité. Il pose constamment des questions dont il connaît déjà les réponses, juste pour faire la conversation. En plus, il est accaparant. Parfois, on veut rester en petits groupes les soirs de congé, mais Saul nous colle dessus comme du chewing-gum. »
J’ai continué dans cette veine pendant plusieurs minutes tandis que Mark me regardait, en hochant patiemment la tête. Finalement, je me suis rendu compte que je n’avais pas du tout répondu à sa question. J’avais plutôt répondu à une question connexe : « Qu’est-ce que vous n’aimez pas chez Saul ? », au lieu de « Pourquoi Saul est-il exclu du groupe ? ». Mark gardait toujours le silence. J’ai avalé un peu de travers avant de poursuivre.
« Saul est exclu parce que les autres aspis l’excluent. » Mark hocha la tête, presque imperceptiblement. J’ai pris une grande respiration. « Maintenant, je me rends compte que l’une des raisons pour lesquelles Saul est si accaparant et exubérant, c’est que nous ne l’incluons pas comme nous le devrions. » Le regard de Mark s’est un peu agrandi. J’ai continué : « Tu penses sans doute que si nous traitions Saul différemment, il pourrait changer. Tu voudrais nous voir l’inclure davantage. » Enfin, Mark a ouvert la bouche : « Ce serait un beau geste de votre part, digne de l’esprit du camp. »
Un nouveau chapitre s’ouvrait alors pour moi : je comprenais mieux la manière dont le camp aide les gens à grandir. Le camp est un microcosme social reproduisant presque chaque type de transgression interpersonnelle, de même que l’attitude contraire. Ainsi, les dialectiques de l’intimidation/de l’amitié, de la médisance/de la confrontation, du rejet/de l’acceptation, des préjugés/de la compréhension, de la haine/de l’amour et – oui – de l’exclusion/de l’inclusion s’immiscent dans la vie du camp à différents moments durant l’été. La clé consiste à tirer profit des forces collectives du personnel pour instaurer un esprit positif au sein du groupe. Mais pour y arriver, il faut entretenir des discussions et des réflexions qui soient régulières et sincères.
Au sein de n’importe quel groupe d’employés (en vérité, au sein de tout groupe humain, peu importe le contexte) surviendront à un moment donné des conflits qui mèneront à des gestes malheureux. Une fois cette vérité admise, les professionnels des camps peuvent prendre des mesures pour éviter les cas d’épuisement, de dépression et d’agression en organisant au moins deux discussions, une en pré-saison et une en mi-saison, qui débuteront par la question suivante : « Comment nous traitons-nous mutuellement ? ».
Après cette longue pause dans notre discussion au chalet, le soir où Tom a adressé sa question au personnel, une discussion fructueuse a eu lieu qui a débouché, entre autres, sur ce qui suit :
La plupart des membres du personnel ont quitté la séance de formation cette nuit-là encouragés par les idées du groupe. Ils avaient également adopté deux ou trois nouvelles pratiques concrètes s’inspirant d’un esprit de générosité et d’inclusion bien plus conforme à l’idéal de leadership qu’ils entretenaient quand ils étaient campeurs. La différence, c’était que leur vision de pure bienveillance semblait maintenant plus proche de la réalité. Un membre du personnel a bien résumé la situation : « Nous nous traitions entre nous d’une manière que nous n’aurions jamais tolérée chez les campeurs. »
En pré-camp, planifiez une ou deux séances de discussion où les membres de votre personnel s’entretiendront de la manière dont ils se traitent mutuellement en privé. La façon dont ils se comportent entre eux après les périodes d’activité, durant leurs heures de repos et en l’absence des campeurs reflète-t-elle vraiment les valeurs qu’ils sont censés incarner en tant que membres de votre camp ?
Cet article a initialement été publié dans le blogue Week-Ender, un produit de la revue Camp Business. Pour vous abonner, rendez-vous au www.campbusiness.com.
Lors d’une récente réunion des enseignants, notre directrice de l’informatique expliquait les mises à niveau apportées au système informatique de l’école. « Grâce à ces mises à niveau, dit-elle, les pages que vous consultez fréquemment, par exemple celles où vous entrez les notes, se chargeront beaucoup plus rapidement. » Une de mes collègues lève sa main et exprime son impatience de voir ces améliorations implantées « parce que la vitesse à laquelle certaines pages se rechargent est épouvantablement lente ». Ma curiosité est piquée. « Je dois parfois attendre trois ou quatre secondes. C’est inacceptable. » Wow. Si quatre secondes est « épouvantablement lent », j’ose à peine penser comment cette collègue supporterait, par exemple, de faire des biscuits.
J’aime les débits de connexion rapides autant que n’importe qui. Et oui, faire des biscuit n’est pas la même chose que naviguer sur la toile. Le temps est une constante jusqu’à ce qu’on s’approche de la vitesse de la lumière, mais la perception de la vitesse est fonction de la tâche. La question, donc : à quel point sommes-nous devenus impatients si nous trouvons inacceptable d’attendre quelques secondes?
On doit tous cultiver notre patience, surtout si on travaille avec des jeunes. Voici dix raisons de donner 10 secondes à vos jeunes. (Aucune n’a rapport à Internet. Patient ou pas, je pense qu’on peut tous s’entendre pour dire qu’en ce qui concerne le temps de chargement, plus c’est rapide, mieux c’est. Mais essayez de rester équanime lorsque votre fureteur prend une grande respiration.)
Le moment est venu de dévoiler une donnée qui vous étonnera : vous n’avez pas une perception juste de ce que 10 secondes représentent lors d’une interaction avec un jeune. Comptez dix secondes maintenant, pour vous pratiquer. Mettez-vous devant un miroir et posez-vous une question compliquée. Maintenant, attendez dix secondes complètes pour la réponse. Mille et un, mille et deux, mille et trois, mille et quatre, mille et cinq, mille et six, mille et sept, mille et huit, mille et neuf, mille et dix. Maintenant, vous serez mieux à même de le faire dans une vraie situation.
Cela peut sembler contreintuitif, mais pour améliorer vos interactions personnelles, il faut ralentir plutôt qu’accélérer.
Cet article a initialement été publié dans le blogue Week-Ender, un produit de la revue Camp Business. Pour vous abonner, rendez-vous au www.campbusiness.com.
Dépression, anxiété, trouble de déficit d’attention, trouble de déficit d’attention avec hyperactivité, anorexie, boulimie – statistiquement, les chances sont fortes que quelqu’un au camp lutte avec l’un de ces problèmes de santé mentale. Êtes-vous préparé?
Les professionnels de santé mentale voient d’un bon oeil la prise de conscience et la sensibilité accrue de la société à l’égard des problèmes de santé mentale. Mais nous sommes encore loin d’être aussi ouverts et informés au sujet de la santé mentale que nous le sommes en matière de santé physique. Cheryl Bernknopf, professeure de sciences infirmières au Seneca College à Toronto et infirmière de camp depuis 30 ans, offre quelques conseils pratiques aux directeurs de camp:
D’abord, le camp doit déterminer s’il dispose des ressources humaines nécessaires pour servir les campeurs et les moniteurs atteints de problèmes de santé mentale. Certains camps ont recours à des experts en santé mentale pour desservir cette clientèle.
Si le camp accepte des campeurs ayant des besoins spéciaux, il doit se préparer en fonction.
Les camps devraient être conscients :
Voici, selon les experts, quatre facteurs d’une bonne santé mentale et physique :
Est-ce que cela sonne comme le camp?
Tout commence avec une histoire : « C’était une fois… »
Pour moi, cela a commencé quand j’étais campeur. J’adorais avant tout les feux de camp. Notre camp en tenait un tous les soirs. On allait au camp pour une semaine seulement et cinq fois pendant cette semaine, on s’assoyait autour du feu pour chanter des chansons, regarder des sketchs et écouter des contes.
Les contes ont frappé mon imagination, m’emportant vers un autre monde chaque soir. À la lumière vacillante du feu, j’écoutais les moniteurs conter leurs histoires. Lorsque j’ai entendu mon premier conte, Le meurtre de Dan McGrew, j’ai été transporté dans la ville minière où se déroulait le récit. Lorsqu’ils racontaient l’histoire d’un naufrage, j’étais sur l’île avec les personnages. J’étais toujours pris par surprise lors du dénouement. Le conte est quelque chose de magique qui devrait faire partie intégrante de l’expérience de camp.
Lorsqu’on veut transmettre l’histoire de notre camp, est-ce qu’on l’écrit sur une feuille qu’on distribue à tous les campeurs pour qu’ils puissent lire sur le « grand chef » ou « le disparu »? Non. On partage ces expériences sous forme de conte. On se sert de la tradition orale pour transmettre les émotions, le ressenti et la solennité de l’expérience. Les contes que nous entendons restent gravés dans notre esprit longtemps après que les autres souvenirs de camp se soient estompés. On se souvient de notre séjour au camp et on le partage par des histoires. Vos campeurs retournent à la maison chaque été et racontent des milliers d’histoires sur le camp.
Le conte était au cœur de l’expérience à de nombreux camps, mais à un moment donné, il est passé au second plan. Doter votre camp d’une tradition de conte offre de nombreux bienfaits. Le conte a un pouvoir unique de transmettre des leçons de vie et de morale qui restent gravées dans l’esprit des campeurs longtemps après qu’un simple message se serait estompé.
Comment instaurer une tradition de conte au camp? Quelques suggestions :
1. Commencez par raconter – cela peut sembler simpliste, mais si on ne raconte pas de contes, on ne créera pas de tradition.
2. Ne lisez pas, racontez – très peu d’histoires doivent être lues mot par mot. Aidez vos moniteurs à inventer leurs propres histoires, à les adapter et en faire quelque chose pour lequel on se souviendra d’eux.
3. Interagissez avec l’auditoire – choisissez des contes qui font participer les campeurs par des sons et des gestes. La répétition dans le conte est ici essentielle. De mémoire, la meilleure partie du conte Le meurtre de Dan McGrew, c’étaient les sons et les gestes associés à chaque personnage qui faisaient en sorte que les campeurs étaient suspendus aux lèvres du moniteur en anticipant leur rôle.
4. Fournissez des ressources – mettez des livres contenant des contes à la disposition des moniteurs. Demandez-leur d’arriver au camp avec un conte préparé et faites-leur-le raconter pendant la formation – cela les aidera à parler en public et vous aidera à trouver parmi vos moniteurs de grands conteurs que vous n’auriez peut-être jamais soupçonnés.
Le conte est un art qui s’apprend. Le conte doit être encouragé au camp. Le conte est ce que nous faisons chaque jour lorsqu’on explique pourquoi un enfant devrait aller au camp. Et vous, êtes-vous bon conteur?